Saints Row
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Avis : Saints Row (2022)

Les Saints sont enfin de retour ! Un retour attendu puisque le dernier épisode principal de la série Saints Row va sur ses 10 ans, d’autant plus que l’opportunité de sortir un nouvel opus semblait judicieuse puisque depuis ce même laps de temps, Rockstar tire toujours sur la vache à lait GTA V qui semble inépuisable, et que la franchise de Volition se veut en être une alternative depuis ses débuts, et semble être la seule à vouloir encore jouer sur le même terrain une décennie plus tard. Un nom à dépoussiérer donc, puisque l’on parle d’une série sortie uniquement sur la génération PS3/360 jusque ici, et qui semble être une relique du passé par de nombreux aspects, que cela soit d’un point de vue technique, d’un point de vue idéologique avec son esprit déjanté et irrévérencieux qui aurait du mal à passer de nos jours, ou encore le fait que la chute du THQ d’alors et l’échec d’Agents of Mayhem avaient quelque peu éclipsé la série des mémoires, quoique rafraîchie par des remasters des épisodes 3 et 4 qui lui ont offert une présence sur les machines récentes. 

Un jeu simplement nommé Saints Row, symbole d’une volonté des développeurs de revenir aux sources et de faire table rase du passé, en effectuant un redémarrage plus contemporain, ce qui est tout à fait compréhensible au vu des raisons avancées précédemment, Un pari certes risqué mais qui semblait être nécessaire, surtout au vu du contexte actuel. Pari réussi ? 

Je préfère annoncer la couleur d’entrée : cette mouture 2022 aurait pu être une belle réussite, mais si vous avez pu lire ce qui a pu se dire autour de cet opus après sa sortie, vous aurez pu constater que nous sommes en face d’un cuisant échec d’un point de vue critique, et mon avis tend à aller dans ce sens. Mon expérience de jeu m’a fait balancer entre l’envie de purement démonter le jeu quand l’heure serait venue de rédiger ces lignes et celle d’essayer de sauver ce qui peut l’être. Sachez-le, j’appréciais beaucoup la série Saints Row à l’époque où je jouais sur cette bonne vieille Xbox 360, j’ai poncé tous les opus au point d’en platiner le 3e (DLC compris), puisque celui-ci reste un de mes coups de cœur de cette génération de consoles. Et quand j’aime bien, je châtie bien. Quels sont donc les points qui me poussent à avoir un tel avis ? 

Tout d’abord, à quelle histoire faisons-nous face ? Prenons l’essence-même de Saints Row : le boss. Un protagoniste chef de gang personnalisable à volonté, à tout moment, concept qui a à lui tout seul permis de trancher avec GTA à l’époque, grande force de la franchise, et j’en veux pour preuve le fait qu’une fois de plus, l’éditeur de personnage est poussé, offrant un grand nombre d’options corporelles et de garde-robe (y compris éditer les textures), et avec la possibilité de télécharger les créations d’autres utilisateurs en ligne, ceci étant disponible bien avant la sortie du jeu avec une démo permettant d’importer son engeance dans le jeu final, ce qui est un bon point. Ce boss est dans cette itération une sorte d’étudiant ou de jeune en sortie d’études qui cherche à s’en sortir dans la vie en devenant mercenaire, en colocation avec 3 autres loustics : Eli, un investisseur adepte des émissions de développement personnel ; Neenah, une fan de voitures hispanique (techniquement Michelle Rodriguez) et Kev, un DJ constamment torse nu. Oui, on dirait le début d’une mauvaise blague. Et donc cette bande du BDE complètement dans la dèche va essayer de s’en sortir, et de fil en aiguille tenter de construire leur empire en formant l’organisation criminelle des Saints pour conquérir la ville de Santo Ileso, une ville grandement inspirée de ce que l’on peut trouver dans le sud-ouest des USA, avec une grande influence mexicaine qui se traduit dans la direction artistique du jeu, très orientée latino, peut-être parfois trop caricaturale.

De ce côté, la carte est grande sans être étendue, ce qui permet de concentrer l’action sans avoir à effectuer des trajets rébarbatifs entre 2 activités, tout en permettant à ses environnements d’être travaillés. Les lieux notables sont détaillés et le jeu nous pousse à explorer ses 15 districts et leurs éléments, mais nous y reviendrons. Continuons sur l’histoire, le Breakfast Club va donc dans sa quête devoir se défaire de 2 autres organisations criminelles liées à nos comparses : les Panteros, des latinos musclés et tatoués fans de muscle cars ; et les Idoles, des fêtards anarchistes menés par des leaders au casque intégral futuriste inspiré des Daft Punk et/ou de deadmau5, ainsi que du groupe de mercenaires de chez Marshall, employeur de notre personnage au début de l’aventure et piqué au vif par des Saints en pleine expansion. Tout ce beau monde a ses propres caractéristiques, de leur imagerie à l’arsenal qu’ils emploient, et il arrivera que leurs présences se chevauchent dans cette bataille pour la domination du territoire.

Et nous en venons à mon premier point négatif : les personnages sont au mieux fades et au pire insupportables. Je n’ai jamais réussi à m’attacher à l’un d’eux, ni à être marqué par un méchant en particulier (allez, peut-être un, mais son rôle semble tellement être prévisible qu’au final on n’en retient pas grand-chose, no spoil) alors que c’était la force des épisodes précédents. A vouloir être trop épuré et lisse, on en perd sa substance. Où sont passés les Johnny Gat, Killbane, la menace Ultor et consorts ? Nulle part. Ces Saints 2.0 n’ont aucun rapport avec leurs prédécesseurs et ce constat nous met face à une triste réalité : nous faisons face à un reboot pur et dur de la franchise. Une remise à zéro dont l’histoire n’est pas assez ambitieuse pour que l’on puisse observer un développement de nos protagonistes et incapable de créer un véritable enjeu. Le passé est balayé d’un revers de la main, seuls subsistent un nom, un code couleur, un symbole et quelques bribes au détour d’un panneau pour touriste (qui font également référence à d’autres jeux Volition comme la série Red Faction). 

On peine à se sentir impliqué, le boss semble par moments être complètement à la ramasse dans son propre univers alors qu’à la seconde d’après il entre comme par magie dans l’ambiance du jeu, et le jeu ne se prend pas une seule seconde au sérieux, soit l’opposé de la ligne de ses prédécesseurs. Le profil des nouveaux Saints arrive à être à la fois trop générique et trop particulier pour pouvoir créer un semblant d’affection pour eux. Je ne semble pas être le seul à penser que leurs interventions sont dignes de caricatures trop fidèles pour y déceler un intérêt de commentaires qui pourraient sortir des tendances de Reddit ou Twitter, et je trouve que ce n’est pas exagéré : ils sont à mon goût trop ancrés dans cette mouvance actuelle très américaine du politiquement correct progressiste à outrance. Bref, des personnages qui semblent être adressés à une partie restreinte de la population cible de ce soft, en plus d’être trop caractéristiques de la période actuelle, ce qui les rendra très vite ringards sans garder un côté kitsch appréciable, et qui semblent être en décalage avec le style de jeu proposé.

L’histoire en elle-même, au-delà de ses acteurs, n’est pas dénuée d’intérêt. Certes, elle n’est ni aussi déjantée que les épisodes 3 et 4, ni aussi grave et sérieuse que celle du 2, mais présente tout de même des missions très cinématographiques, empreintes d’une ambiance de western spaghetti croisée avec une série B d’action des années 80/90 qui ne me laisse pas indifférent, avec des moments grandiloquents et des plans cinématiques qui pourraient être iconiques si l’investissement autour de l’histoire était conséquent. Les moments marquants sont appuyés par de la musique sous licence de bon aloi (avec en vrac DMX, KRS-One, The Vines…), l’occasion de souligner l’éclectisme des radios du jeu qui propose une grande diversité de genres musicaux et des pistes qualitatives. Bref, pour résumer, l’action est de bonne facture, les dialogues beaucoup moins, et on en vient à finir la trame sans faire attention à ce qui se passe autour de nous, ni même chercher à s’occuper des dialogues, parfois à la limite du ridicule pour essayer de créer de l’empathie.

Une pensée tout de même pour les missions secondaires qui nous placent dans un jeu de rôle grandeur nature à l’échelle de la ville, inspiré par Mad Max, où l’on utilise des armes d’airsoft et des coups au corps-à-corps dignes des pires combats de catch, qui offraient un sympathique divertissement qui casse la routine avec un ton qui pouvait se rapprocher des décalages d’il y a 10 ans, puisque c’est peut-être les seules instances où les développeurs semblent avoir pu se lâcher sans trop créer de malaise.

Vous avez la réf ?

D’un point de vue gameplay, on retrouve la boucle propre à un GTA-like, avec arsenal d’armes, activités, missions, balade libre, forces de l’ordre… Le jeu propose un contenu riche, et même si les missions ne proposent quasiment que du caricatural “pan pan boum” répétitif avec des ennemis qui ont tendance à devenir des sacs à PV quand les choses se corsent, on retrouve des choses plus originales dans les activités comme les classiques de la franchise SR type Fraude à l’assurance ou Chaos et également des inédits comme des braquages qui nécessitent de prendre en photo les points faibles des bâtiments ciblés. L’appareil photo, parlons-en puisque l’exploration passe aussi par un petit jeu de piste qui consiste à prendre les lieux marquants et insolites de Santo Ileso en photo pour débloquer points de voyage rapide, expérience et argent, ce qui, on y revient, rend la découverte plus organique et permet de mieux apprécier le travail apporté à la map. Toutes ces activités permettront de développer notre empire criminel, puisque la plupart d’entre elles sont liées à la construction de bâtiments et d’entreprises qui viendront enrichir nos poches et accroître notre domination territoriale. Ces activités ont cependant la fâcheuse habitude d’être redondantes et de devoir être répétées un peu trop de fois, dommage.

La navigation se fait aisément grâce à la compacité de la carte, aux points de voyage rapide susnommés et grâce à un des ajouts de cette mouture : la wingsuit, mise au centre de l’expérience avec des activités dédiées et des tours de lancement disséminées un peu partout, tout en étant également utile en combat. Les déplacements en véhicules sont assez agréables malgré une conduite particulièrement typée arcade qui demandera un temps d’adaptation tant elle semble anachronique dans un jeu de ce genre en 2022.

Le Boss dispose également de toute une panoplie d’armes, de véhicules et de compétences pour évoluer dans cet univers. L’arsenal est varié sans être aussi barré qu’autrefois : sobre avec quelques folies comme un hoverboard, un lance-pinatas explosives, des ballons de foot US adhésifs à réacteur… A noter que tous ces éléments sont également largement personnalisables, avec certains skins d’armes qui changent radicalement leur apparence. Notre personnage possède également une exécution en un coup à rechargement, de coups spéciaux à utiliser selon une jauge de flux et à débloquer avec l’XP (qui se gagne assez vite en explorant, à tel point que la limite est vite atteinte), et de compétences passives à débloquer en effectuant des séries de défis (qui sont assez mal équilibrés dans leur réalisation, puisqu’une quantité non négligeable ne semble pas être réalisable en jouant classiquement, mais suffisamment nombreux et variés pour tout débloquer), et tous ces éléments sont centralisés dans le téléphone de notre joueur, ce qui a tendance à casser un peu le rythme puisque l’on est souvent amené à le consulter, surtout si l’on veut tout compléter. Un contenu riche, une boucle de gameplay classique mais pas désagréable, une carte travaillée : ce Saints Row semble correct au premier abord, alors pourquoi suis-je parti sur un constat négatif ? 

Le gros point noir se trouve ici du côté de la technique. Les personnages et l’histoire sont certes des points négatifs, mais pas suffisants pour être alarmiste. Le manque de qualité technique vient contrebalancer tout cela. Soyons concis : en 2022, c’est tout bonnement inexcusable de sortir un jeu dans un tel état. Par quoi commencer ? Le fait que le moteur des opus précédents qui a quand même plus de 10 ans soit réutilisé de façon flagrante, ce qui est perceptible d’emblée avec les animations, les expressions faciales, des véhicules qui apparaissent et disparaissent comme par magie lorsque l’on a l’idée saugrenue de conduire un peu trop vite et/ou en contresens et un gameplay qui, certes est rodé mais semble daté ? Les bugs et crashs à répétition, en toutes circonstances, qui forcent à maintes reprises à au mieux recharger ma sauvegarde et au pire redémarrer le jeu ? Entrer dans un bâtiment, atterrir sur une voiture en wingsuit, changer d’armes, remplir un objectif de mission/activité, ne pas être capable de le remplir vu que les ennemis ne spawnent pas au bon endroit, voire pas du tout, abuser un peu sur la personnalisation, aller un peu trop vite dans les menus, … sont autant de raisons potentiellement responsables d’un plantage en bonne et due forme, parfois aussi sec qu’un retour interface, parfois plus subtil avec un personnage bloqué ou incapable de faire autre chose que se déplacer. Et encore, je n’ai pas essayé le multijoueur qui semble être une encore plus grosse source de bugs.

On pourrait croire que c’est un bug, mais c’est juste une arme débilement drôle

De nombreux inconvénients plus mineurs sont également présents, de la simple palette de couleurs de nos vêtements qui se remet aux valeurs par défaut aux armes qui restent apparentes dans nos mains en passant par des choses plus folkloriques comme les sous-titres à la ramasse ou encore le train qui vole (oui oui), ce qui n’est certes pas extrêmement gênant mais qui vient tout de même encore plus entacher ce Saints Row qui a au final l’étiquette d’un véritable foutoir à glitches ; ce qui au mieux éveillera votre âme de bêta-testeur pour voir à quel point l’on peut s’enfoncer dans les abysses, et au pire vous fera rager de devoir redémarrer un trop grand nombre de fois. Et quand ce ne sont pas les bugs ce sont des fonctionnalités pourtant essentielles qui semblent absentes ou ratées qui font tache, comme la possibilité de jeter des véhicules du garage, de prendre un ennemi en bouclier humain, jusque dans les vibrations de la manette qui sont très mal calibrées (essayez de prendre une moto, j’en ai eu des fourmis dans les mains).  

La liste est longue et loin d’être exhaustive mais tout laisse à penser que le jeu n’est soit pas entièrement finalisé, soit qu’il a bénéficié d’un budget trop modeste par rapport à ses ambitions et qu’il a fallu faire de gros compromis, ce qui tranche avec l’investissement observable sur d’autres points comme la DA, la carte et surtout le marketing autour du jeu. Saints Row 2022 était présenté comme une des grosses sorties de cette fin d’été, un jeu complet mais forcé de constater qu’il en avait les prétentions mais pas les moyens. Une belle déception, qui aurait pu faire tellement mieux ne serait-ce qu’en étant exempt de bugs majeurs et de problèmes techniques. Etant déjà conquis de longue date par le concept du jeu, j’ai pu le finir à quasiment 100% (il me manque un succès coop et un succès… bugué, quelle surprise) mais sachez que cela n’a pas été sans peine ni envie soudaine de laisser tomber en plein milieu après un retour à l’interface inopiné pour rédiger un avis qui aurait été beaucoup plus négatif que celui que vous êtes en train de lire. Le jeu offre tout de même une expérience sympathique riche en contenu et assez longue, mais très peu mémorable puisqu’identique à celle de ses prédécesseurs manette en main, répétitive et très en deçà en termes d’écriture. Le plaisir de défourailler du gangster de manière flamboyante et irréaliste y était, mais de courte durée car vite plombé par les défauts évoqués précédemment. En l’état actuel des choses, le jeu n’est pas à recommander ; cependant la magie du 21e siècle peut le rendre viable via le truchement de mises à jour, ce qui semble être l’inévitable chemin emprunté par son équipe. En espérant que les choses s’améliorent à l’avenir, à la fois pour cette itération et pour d’éventuelles suites qui pourraient éclipser le goût amer d’inachevé sur moult points que laisse ce reboot, qui n’est pourtant pas si mauvais malgré ses flagrants défauts.

Développé par : Volition
Edité par : Deep Silver
Taille : 60 Go de stockage recommandés
Sortie : 23 Août 2022
PEGI : +18
Plateforme : PC, PS4/5, Xbox One/Series (test effectué sur Xbox Series X)

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4 commentaires

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