Il est très étrange, après avoir lu ce livre et m’être promené sur Internet, pour voir ou entrevoir les souvenirs des gens -concernant cette licence- qui ne se limitent finalement qu’aux épisodes Playstation.
Quid de la Dreamcast et de son Soul Reaver si beau, si clinquant ? La dame blanche n’a jamais été aimée et même sur un tel jeu, elle est encore absente, alors que la licence est ici sur la console de Sega, au sommet de son art. Il est un incontournable de la console.
Mais je m’égare car dans ce livre, signé Raphael Lucas, c’est bien la licence dont on parle et peu ou pas du tout des consoles qui ont du supporter ce lourd fardeau, cette bête aux deux visages.
Une fois n’est pas coutume l’auteur raconte comment ces jeux sont nés, comment ils ont été façonnés , malmenés par certaines personnes puis par d’autres, comment ils ont été détruits aussi. Dans tous les cas, Kain et Raziel leur ont rendu la monnaie, car Legacy of Kain n’est pas une licence comme une autre et si elle a marqué une génération de joueurs c’est finalement à cause (ou peut-être grâce) à tout ça.
Il y a certainement quelque chose d’unique chez ces deux personnages charismatiques du Jeux Vidéo. Si la génération de joueurs d’aujourd’hui ne connait rien d’eux ou presque, ils sont au contraire, pour beaucoup de la mienne, des personnages cultes, des personnages qui nous ont fait vibrer comme peu d’autres. Soul Reaver est d’ailleurs pour moi un voyage incroyable et je pense encore inédit aujourd’hui. Vivre et ressentir le fardeau de Raziel, ces dialogues, ces environnements tout en font un jeu incroyable. Peut-être a t-il mal vieilli je n’en sais foutre rien (le livre m’a donné envie de le refaire tout de même), mais il restera pour longtemps une partie de ma vie de gamer.
Et le livre dans tout ça ? Parce que jusqu’à présent, c’est plutôt moi qui raconte !
Ce Legacy of Kain est décomposé de façon classique, à savoir la création du jeu, l’univers et enfin le décryptage selon l’auteur. Raphaël Lucas a je dois le dire réussi à rendre la première partie, très addictive.
Féru de ce genre de détail lors de la création d’un jeu, j’ai été très étonné de voir (ou de lire plutôt) que le choix de l’auteur s’était tourné sur l’aspect humain et non pas sur l’aspect technique (ou si peu). Un véritable bol d’air frais. Ici pas de longueurs froides sur les capacités limitées des consoles. Si le sujet est traité, c’est toutefois pour nous expliquer pourquoi telle ou telle partie de l’histoire ou du gameplay a été modifiés. On découvre comment Amy Henning (qui deviendra par la suite scénariste au sein de Naugthy Dog pour Uncharted) a modelé les deux personnages de Legacy of Kain, épisode après épisode. Une volonté impressionnante et des idées incroyables ressortent de cette lecture. Les inspirations pour la création de Blood Omen (et celles des autres), seront vidéos ludiques tout d’abord et seront traitées dans ce premier chapitre, pour ce qui est de choses plus littéraire, il faudra attendre les chapitres suivants. De ce premier chapitre, je retiens sans doute la souffrance de certaines personnes dans l’équipe, un peu comme si l’esprit malsain (vraiment ?) de Kain avait voulu jouer de mauvais tours à certaines personnes. Il faut dire que la façon dont ce vampire a été traité au départ (physiquement et moralement), puis avec chaque jeu pourrait laisser croire à une malédiction.
Le deuxième chapitre tourné quant à lui sur l’univers est tout aussi passionnant. L’auteur a adopté le « Je » pour nous raconter l’histoire de nos deux personnages ainsi que de ce qui les entourent comme si il était lui-même Kain ou Raziel. Raphael Lucas va donc durant près de 40 pages nous compter l’univers de Legacy of Kain, comme si nous reprenions le jeu depuis le début. Prenant ici et là des phrases provenant des dialogues ou des textes du premier jeu de la série, il insuffle par cette façon d’écrire une sensation de vécu. Nous incarnons Kain. J’avais assez peur de cette utilisation du « Je » pour nous raconter et nous faire imaginer tout un univers. J’avais peur justement peur de me perdre, en ne m’identifiant pas à l’univers de Amy Henning. Et puis, au contraire, ça m’est apparu vraiment très naturel. L’implication est ainsi plus profonde. On ressent et on perçoit les ressentis de ce malheureux Dieu (?).
Que l’on soit anciens joueurs de Legacy of Kain ou non (du moins je l’imagine), nous sommes immergés par ce long monologue chargé d’émotions.
Enfin arrive le décryptage. Pour le coup et c’est souvent le cas dans les livres consacrés aux Jeux Vidéo que je lis, j’ai toujours des difficultés à lire ce (souvent) dernier chapitre.
La raison est simple, je n’arrive jamais à prendre assez de recul pour savoir ce que cache un jeu vidéo. De quoi il est fait culturellement parlant, ce qu’il représente pour la génération Pop, ce qui se cache derrière tel ou tel personnage, selon qu’il soit bon ou mauvais. Non tout ça me dépasse. Et malgré les nombreuses références (que je connais pourtant) dont parle Raphael Lucas dans cette partie, rien y fait. J’avoue avoir ce manque de passion pour les jeux, ce manque d’attirance pour les personnages. Certains s’imprègnent tellement de ces héros virtuels qu’ils arrivent à reconnaître en eux des humeurs, des sentiments. Il doit bien y en avoir qui tombent amoureux de ces représentations faites de pixels. Mais rien de tout ça chez moi.
Raphaël nous parle de Lovecraft, de Frankenstein, de Alone in the Dark, ou bien encore de films d’horreur et tout cela semble bien cohérent avec l’épopée Legacy of Kain. Productions contemporaines ou livres du passés la comparaison est logique. Souvent d’ailleurs et tout au long des 232 pages du livre, l’auteur parle de la bête du docteur Frankenstein et la compare tant au jeu en lui-même (la façon dont il a été dépecé puis raccommodé) mais aussi à Kain et Raziel (avec leur vie, leur décadence, leur mort et leur résurrection) .
Legacy of Kain est un titre très particulier et Raphael parvient à exposer tout cela de façon très simple.
Legacy of Kain : Entre Deux Mondes, est un très bon livre, une très belle œuvre.
Plutôt destiné à cette génération de gameurs qui a connu la légende Legacy of Kain, le bouquin pourra sans doute refroidir au contraire les autres, les plus jeunes ou ceux ayant fait l’impasse sur cette formidable épopée qu’ont vécu Kain et Raziel.
Toutefois le livre est nullement élitiste et ravira sans problème les curieux, les amateurs d’une gloire oubliée dont il n’y aura sans doute jamais de suite ou bien même de reboot. Une mise au monde complexe, constamment en proie au doute et à des problèmes autant internes qu’externes, ainsi qu’un lien immense avec la Pop culture au sens large du thème, Legacy of Kain mérite toute votre attention. C’est un jeu au caractère unique et ce livre en est la preuve. Merci à l’auteur.
Ne vous perdez pas au confins de Nosgoth sous peine de croiser des âmes peu recommandables, car même Raziel n’est pas un gentil garçon.