La série Shin Megami Tensei est la franchise phare, le porte étendard d’Atlus. Cependant, en dépit de ses fans, de son gameplay toujours impeccable et de son exploration philosophique de concepts religieux, la série n’a jamais réussi à s’imposer dans la conscience des joueurs occidentaux.
Au lieu de cela, c’est sa série dérivée Persona a fini par capter toute la lumière et définir l’idée que beaucoup se font du JRPG moderne. Mais même lorsqu’elle est éclipsée par la série dont elle est à l’origine, Shin Megami Tensei reste une expérience à part, s’adressant à un public différent : celui des hardcore gamers, qui privilégient la difficulté et le gameplay à l’histoire ou aux personnages. C’est pourquoi à mon sens, les deux séries peuvent cohabiter sans réellement se faire concurrence, puisque
s’adressant à deux niches différentes.
Annoncé par la première fois en janvier 2017 comme étant une exclusivité Switch, il aura fallu presque 6 ans au jeu pour finalement voir le jour, témoignant d’un développement long et difficile, mais devenu presque habituel au sein d’Atlus ces dernières années. (On pense notamment à Persona 5, annoncé en 2013 finalement sorti fin 2016 au Japon et début 2017 chez nous, ou encore à Tokyo Mirage Session et Project REfantasy, ce dernier ne donnant plus de ses nouvelles depuis plusieurs années.) Il est à noter d’ailleurs que ce jeu est le premier de la série à sortir en même temps au Japon et dans le reste du monde, ce qui marque un progrès décisif !
Alors le jeu est-il finalement à la hauteur de toute cette attente et figure t-il parmi les meilleures exclusivités de la console de Nintendo ? La série mère réussira t-elle se démarquer de son rejeton
prodigue ou restera t-elle dans son ombre ?
C’est ce que je vous propose de voir ensemble dans cet avis/critique.
Comme vous commencez à le savoir, je suis une fan ABSOLUE de la série, depuis que le premier jeu de la franchise est sorti en Europe. A l’époque en 2004, l’excellent SMT III (dont un remaster est sorti en 2021 et pour lequel j’avais également rédigé un avis dans ces colonnes.) avait bénéficié d’une traduction française et m’avait alors énormément marquée sur PS2, console de référence encore à ce jour pour le genre du JRPG. Nullement rebutée par sa « soit disant » difficulté, j’avais ensuite enchaîné avec tous les titres d’Atlus à disposition sur la machine : Digital Devil Saga 1 et 2, Persona 3 et 4, Devil Summoner : Raidou Kuzunoha 1 et 2, me confortant dans ma nouvelle inclinaison JRPGesque.
Adieu Final Fantasy insipides et bonjour démons kékettes à roulettes et Shin Megami Tensei ! Ce SMT V ne fait pas exception, à l’image de ses confrères de la série principale, il se déroule dans un Tokyo Apocalyptique où (presque tous) les derniers humains ont disparu et où Anges et Démons issus de diverses mythologies (mais principalement chrétienne) se livrent une guerre sans merci pour décider de l’avenir de ce monde en ruines, dans lequel chacun tente de survivre à sa manière.
Vous incarnez donc un Nahobino, la fusion d’un humain et d’un démon qui a le potentiel de devenir un dieu. Au début de SMT V, il est établi que le Dieu d’Abraham, appelé YHVH dans la majeure partie de la série, n’était qu’un des nombreux êtres véritablement divins, appelés Nahobino, composés à parts égales de savoir et de vie.
Cependant, YHVH a fini par dépouiller les autres divinités de leur connaissance. Cette connaissance a ensuite été transmise aux humains lorsque nous avons mangé de l’arbre de la connaissance du Bien et du Mal (Adam et Eve, le serpent et la pomme). YHVH a ensuite modifié les lois de l’univers pour empêcher la fusion des humains et des démons, empêchant ainsi tout Nahobino potentiel de le défier. Le but de la plupart des démons/divinités du jeu sera donc de retrouver leur humain, celui qui détient leur connaissance et est ainsi identifié comme étant leur moitié.
Honnêtement, je trouvais l’intrigue de départ assez sympa et prometteuse. Malheureusement, force est de constater que niveau histoire, le jeu n’est pas à la hauteur. On aurait pu partir sur un concept « d’âmes sœurs », un peu à la manière de la mythologie grecque quand Zeus sépara d’un coup de tonnerre l’Homme et la Femme (qui ne formaient alors qu’une seule et même entité). C’est pourquoi nous passons notre vie à chercher notre autre partie, afin de redevenir une personne unique, comme nous l’étions à l’origine du monde. Oui, partir explorer cette piste avec toutes les implications que cela pouvait avoir aurait été selon moi un choix judicieux. Hélas, jamais le scénario du jeu ne décollera ni ne tentera quoi que ce soit d’ambitieux.
Par exemple, à la fin du chapitre 1, notre compagnon (notre « moitié » avec laquelle le héros fusionne pour former un seul être divin) Aogami, se fera « laver la mémoire » et « rebooter ». Je m’attendais donc logiquement à ce que cette scène loin d’être anodine fasse office de fusil de Tchekov et soit porteuse de sérieuses conséquences par la suite.
MAIS QUE NENNI MES AMIS !
Point de trahison à l’horizon !
On n’en reparlera plus jamais !
Pourquoi nous avoir montré ce passage alors ?
Bref, des erreurs d’écriture grossières et facilement évitables comme celles-ci, SMT V en est malheureusement truffé. Jamais le jeu ne cherchera à aller en profondeur dans son sujet, pourtant intéressant ! Il y avait tellement mieux à faire avec un tel postulat de départ ! Dans la même veine, jamais la relation entre notre héros et Aogami ne sera développée de tout le récit. On aurait pu avoir une histoire de trahison, de sacrifices, de difficultés de communication, mais non, rien de tout cela ! Jamais les enjeux ne décollent ! Aogami vous obéira toujours comme un petit toutou et son personnage ne connaitra aucun « arc » ou développement personnel. C’est fort dommage, car le potentiel était là…
Et c’est bien la première fois que je suis déçue à ce point par l’intrigue d’un SMT. Pas mauvaise pour autant, elle souffre surtout d’un gros manque d’ambition. Le scénario des SMT centraux a souvent été en « arrière-plan », privilégiant une narration en fil rouge et peu envahissante, contrairement à Persona justement, ce n’est pas donc pas dans sa nature intrinsèque que réside le problème, mais bel et bien dans les faits qui nous sont contés eux-mêmes, se révélant finalement assez anecdotiques et peu impactant…
Côté scénario donc, c’est la douche froide alors que c’est le point qui aurait du être le plus soigné, JRPG oblige.
Qu’en est-il donc du gameplay, autre mamelle nourricière de la série dans ce cas ? Le jeu se rattrape t-il et assure t-il de ce côté-là au moins ?
Pour répondre à cette question, je vais commencer par vous dérouler le système de combat. SMT oblige, on passe donc son temps à combattre des anges et des démons en utilisant le système de combat nommé « Press-Turn », caractéristique de la série et qui a été introduit dans SMT. Il reste probablement le meilleur système de combat au tour par tour de toute la série et oserai-je même ajouter, de tous les JRPG utilisant ce système.
Le système est donc, à première vue, assez simple. Les démons ont des affinités élémentaires (comme dans Pokemon, oui paie ta réf que tout le monde peut comprendre !) : cibler leurs faiblesses ou obtenir un coup critique accorde une action supplémentaire et rater une attaque ou utiliser une capacité à laquelle un démon est immunisé lui enlèvera deux actions. Les mêmes règles s’appliquent à vous et aux démons que vous affrontez.
Vous et vos trois compagnons démoniaques (que vous pouvez recruter par le biais d’un mélange d’arbres de conversation et de cadeaux au cours de n’importe quel combat aléatoire, ou en fusionnant directement entre eux ceux qui vous ont déjà rejoint, comme d’habitude dans la série mère), commencez chaque tour avec une action. Cela signifie qu’un tour donné peut comporter entre une et huit actions au total si vous réalisez plusieurs crits d’affilée ou touchez la faiblesse d’un ennemi. Huit actions en un seul tour peuvent sembler beaucoup, cependant, croyez-moi, vous aurez souvent besoin de ces huit actions pour survivre aux rencontres brutales du jeu. Le système de combat fonctionne dans les deux sens, après tout.
« La série Shin Megami Tensei est réputée pour ses combats de boss étonnamment difficiles et « injustes » – cette réputation est à la fois inexacte et bien méritée »
La série Shin Megami Tensei est réputée pour ses combats de boss étonnamment difficiles et « injustes » – cette réputation est à la fois inexacte et bien méritée. Pour avoir streamé le jeu en mode HARD sur ma chaîne, personnellement, je trouve certains combats aléatoires plus difficiles que ceux des boss, car même les ennemis hétéroclites qui errent dans les Enfers peuvent anéantir votre groupe si vous ne faites pas attention (ou s’ils ont l’initiative en début de combat, surtout.) – mais elles sont rarement injustes, en raison de du panel de compétences et de customisation à la série vous donne accès.
Vaincre un boss de Shin Megami Tensei n’est généralement pas qu’une question d’exécution mais avant tout de planification, c’est pourquoi la série peut sembler injuste pour les nouveaux joueurs qui débarquent comme des fleurs. Votre première tentative contre un boss, à moins que vous ne soyez extrêmement chanceux ou clairvoyant, se passera rarement bien (sauf pour les habitués de la série). Ils auront des attaques déraisonnablement puissantes, vous ne connaîtrez pas leurs faiblesses, et ils auront probablement un niveau supérieur au vôtre. Le farming à outrance ne résoudra pas toujours non plus ce problème : à moins que vous ne parveniez à surclasser un boss de manière significative (10 niveaux ou plus), vous vous ferez toujours éclater la face si vous vous lancez dans un combat sans préparation. C’est là que le système de fusion, caractéristique de la série, s’avère utile.
Comme je l’expliquais un peu plus haut, vous obtiendrez presque tous les démons du jeu de deux façons (à l’exception de certains démons qui vous rejoignent après des quêtes) : la négociation et la fusion. Pour négocier avec les démons, vous devez les convaincre de rejoindre votre groupe par un mélange de conversation et de corruption. Ces démons seront standards et plutôt décevants. Combattre un boss avec un démon fraîchement négocié est rarement une bonne idée, à moins que vous n’ayez passé beaucoup de temps à le faire monter en niveau et qu’il soit naturellement adapté à ce boss particulier, ce qui est extrêmement rare. Les démons fusionnés, par contre eux, sont beaucoup plus fiables. Chaque démon apprend un set d’attaque qui est propre à son espèce.
Or, en sacrifiant deux démons (ou parfois plus) à la Cathédrale des Ombres, vous pourrez invoquer un nouveau démon plus puissant. Né de ses deux « parents », ce nouveau démon ainsi créé peut conserver certaines compétences, statistiques et points d’expérience de ses prédécesseurs. La liste des démons fusibles (« fusionnables » ?) sera toujours plus longue que celle des démons que vous pourrez négocier dans une zone donnée. De même, certains démons ne pourront être créés que par fusion. Cela vous permet de fusionner des démons avec les compétences et affinités exactes pour mieux gérer un combat de boss donné.
Shin Megami Tensei ne se contente pas de vous demander d’utiliser son système de fusion, il exige que vous en abusiez. La fusion comporte cependant quelques règles fondamentales, dont la plus importantes est que vous ne pouvez pas fusionner un démon d’un niveau supérieur à celui de votre personnage joueur. Cette règle est conçue pour vous empêcher de fusionner des démons outrageusement puissants en début de partie. Cependant, il existe des moyens de contourner cette règle. Vous pouvez transmettre des statistiques et des points d’expérience par le biais du système de fusion, ce qui signifie que vous pouvez augmenter artificiellement la puissance d’un démon donné.
Bien sûr, vous pouvez fusionner un Black Frost (Black GIVRE à jamais dans nos cœurs LOUL…) normal de niveau 44 avec 40 de force, il se débrouillera très bien en combat ; ou bien, vous pouvez utiliser des démons pré-nivelés avec des stats boostées pour obtenir un Black Frost de niveau 47 avec 50 de force, un ensemble irréel de compétences passives, et aucune faiblesse pour défourailler un boss. Lorsque vous passez d’une situation où vous vous faites rouler par un boss à une situation où vous le détruisez avec une équipe de démons bizarres hautement spécialisés, c’est incroyablement satisfaisant ET glorifiant. Shin Megami Tensei V semble valider que la seule façon de battre un dieu est d’en créer un meilleur de toutes pièces.
En plus du système de fusion, vous pourrez compter sur les Miracles et l’Apothéose pour vous donner un avantage en combat. Le trône de Dieu étant vide, votre statut de Nahobino vous donne le pouvoir de modifier à la fois les démons et les lois de la réalité elle-même.
« Créez dans Shin Megami Tensen V, la meilleure équipe de Pokemons de tous les Enfers »
SMT V introduit les Essences, qui sont en fait les compétences brutes et les affinités élémentaires d’un démon matérialisées sous forme d’objet. L’essence de l’ange « Power » (ou Pouvoir en français dans le texte), par exemple, est faible aux attaques de type Ténèbres, immunisée aux attaques de la Lumière, et possède une variété de compétences basées sur la Lumière. Grâce à l’Apothéose, vous pouvez accorder ces compétences à n’importe quel démon, quelle que soit la façon dont ils ont été fusionnés. Cela ouvre la voie à la personnalisation et à la customisation des démons d’une manière vraiment passionnante et virtuellement illimitée. En combinant Apothéose et Fusion, vous pouvez créer des démons absolument insensés et abusément forts.
Et si créer la meilleure équipe de Pokemons de tous les Enfers ne suffisait pas, votre héros Nahobino possède lui aussi la capacité unique de prendre les affinités de n’importe quel démon. Si vous avez du mal avec un boss particulièrement difficile, vous pouvez simplement accorder au Nahobino une immunité à ses attaques les plus puissantes. C’est un ajout vraiment bienvenu à la série qui vous permet d’être beaucoup plus fluide avec les compétences de vos démons et c’est particulièrement utile car comme dans 90 % des SMT toutes séries confondues, la mort du héros signifie le Game Over sans sommation ! On aime ou on n’aime pas, (bien souvent on n’aime pas d’ailleurs LOL) mais c’est un peu la marque de fabrique de la licence d’Atlus.
A chaque montée de niveau, vous aurez également des points (en général 2) de compétences à répartir vous-mêmes dans la statistique désirée, ce qui vous permet là encore, de customiser votre Nahobino comme bon vous semble. (Les montées de stats chez les démons sont aléatoires par contre, vous ne pouvez pas en décider.) Concentrerez-vous tous les points obtenus dans la force uniquement pour faire de votre Nahobino un casseur de bouches qui met des patates physiques ? Ou en ferez-vous un héros équilibré qui peut également faire des dégâts magiques ? Au contraire, construirez-vous le Nahobino comme une forteresse en répartissant les points dans ses statistiques de défense ? A noter que l’on peut également trouver des objets pour booster les statistiques de manière définitive dans le jeu, sans devoir attendre des montées de niveau.
Les Miracles quant à eux, sont des capacités passives que vous pourrez acheter avec de la Gloire, une ressource que vous trouverez éparpillée dans l’environnement du jeu (vous pouvez notamment en acquérir dans les coffres rares ou en effectuant des quêtes annexes…). Les Miracles couvrent les éléments de base ou encore le nombre de compétences de vos démons, le prix des objets dans le magasin et les types d’attaque que votre Nahobino est le plus à même d’utiliser, mais vous permettent aussi de modifier des mécanismes plus fondamentaux comme la façon dont les démons transmettent les points d’expérience, ce qui génère le Magatsuhi (une ressource qui permet d’obtenir des compétences Omagotoki extrêmement puissantes, mais je reviendrai sur l’Omagotoki plus tard) et bien plus encore. Il s’agit de l’expansion logique du système d’App introduit par SMT IV et SMT IV Apocalypse.
Ce n’est pas la seule façon dont Shin Megami Tensei V s’appuie sur ses prédécesseurs. Le jeu est un successeur thématique et narratif de SMT IV Apocalypse, qui (spoilers) se termine en tuant le Dieu Abrahamique, mais il ressemble à un successeur spirituel de SMT III : Nocturne. Le Nahobino ressemble au Demi-fiend de Nocturne, et la majeure partie du jeu se déroule dans une version apocalyptique et délabrée de Tokyo, rendue presque méconnaissable et contenant très peu d’humains. Les deux jeux sont résolument solitaires, mais je préfère le mode de narration et les thématiques abordées dans SMT III, beaucoup plus fouillées et profondes, puisqu’il s’agit de reconstruire le monde selon une philosophie de vie et non juste en rapport avec une religion.
SMT V se déroule dans deux Tokyos différents : le Tokyo contemporain et le Tokyo post-apocalyptique. Cela permet au jeu d’avoir son gâteau solitaire et de le manger aussi. En ayant plus d’interactions humaines et de motivations des personnages dans le Tokyo contemporain, l’étrangeté et la cruauté du Tokyo apocalyptique semblent beaucoup plus significatives. Votre personnage, en tant que fusion d’humain et de démon (comme le Demi-fiend, héros de SMT III), est une incarnation des deux mondes, et le jeu utilise cela à bon escient sur le plan narratif et thématique.
Cependant, en essayant de fusionner ces deux Tokyos distincts, Shin Megami Tensei V ne donne pas la priorité à son cœur humain. Dans le premier grand moment de l’intrigue du jeu où l’on ne se contente plus d’errer dans le désert, SMT V tente de parler de harcèlement scolaire. Maladroitement.
Le harcèlement scolaire pour les nuls ! (Thème maîtrisé et déjà très bien abordé pourtant par Atlus dans Persona 5…) Il y a une fille de votre lycée qui est victime d’intimidation. Vous êtes proche de sa meilleure amie qui s’inquiète pour elle (et qui est, accessoirement, la nana la plus populaire de votre bahut, mais elle ne fait absolument RIEN pour prendre la défense de sa besta face aux autres élèves ! Nique la logique…). La fille victime d’intimidation se fait alors, sans surprise, posséder par un démon qui profite de ses faiblesses et de sa haine de l’Humanité, suite à quoi sans surprise encore une fois, l’enfer se déchaîne.
Il y a eu plusieurs moments dans cet arc qui, je le savais, étaient censés m’affecter. Des appels désespérés, des confessions déchirantes et des morts tragiques aussi brutales qu’inattendues dans tous les sens, mais cela manquait de poids émotionnel. Les moments eux-mêmes sont bien exécutés: la caméra filme parfaitement les côtes percées, les chutes lentes et la cruauté gratuite, et la musique est bien choisie (tiens, on en reparlera aussi de la musique…).
Le problème, c’est que vous connaissez ces personnages depuis 30 minutes à peine et que du coup, vous n’avez pas eu le temps de vous attacher à eux avec le peu d’interactions que vous avez eues. En comparaison avec les huit à dix heures que vous passerez lors de votre premier voyage dans le Netherworld/Da’at, la mise en place du premier arc majeur du jeu ne dure qu’entre 30 minutes et une heure, selon votre vitesse de lecture et de progression…
C’est bien trop peu et encore une fois, le scénario montre les limites de sa qualité d’écriture… Non, vraiment, pour moi SMT V souffre d’un véritable problème au niveau de ce qu’il veut raconter et il ne faut clairement pas s’y lancer dans la perspective d’être tout émotionné par un scénario à vous couper le squeal, parce que ce serait la meilleure manière d’être déçu ! On sent qu’il y a eu des difficultés et surtout, de nombreuses réécritures malvenues, comme si les scénaristes ne savaient pas vraiment où ils voulaient aller et se contentaient donc d’enchaîner des idées creuses parce que bon hein, faut bien que l’histoire avance quand même ! (Alors que… non, les mecs. Juste NON. Ne mettez juste pas de scénario si c’est comme ça. Parce que je vous assure qu’un tel parti pris peut fonctionner, même dans un JRPG, s’il est bien exécuté !)
Que vous dire d’autre concernant le scénar’ maintenant que vous avez compris qu’il était mauvais, mais heureusement pas trop envahissant ? Hmm… ben SMT oblige, les afficionados ne se sentiront pas en terre inconnue, puisque le système de Karma est toujours présent ! C’est-à-dire que vos actions auront des conséquences sur la fin du jeu, selon la route choisie enfin… c’est un peu plus compliqué que cela dans le cas de SMT V contrairement à avant, mais laissez moi vous l’expliquer…
Grosso merdo, vous avez 3 routes (et souvent une quatrième, la true route, cachée…) : celle des anges, celle des démons et celle des humains. Selon vos choix moraux lors des événements du jeu, l’inclination morale de vos réponses vous orientera sur l’une ou l’autre de ces trois routes et déterminera la fin du jeu que vous obtiendrez. (puisque nous sommes dans le cadre d’un multi ending, comme souvent dans la série.)
Ca, c’est ce qui se passe en temps normal, comme c’est le cas pour SMT III par exemple. Sauf que dans SMT V, seul votre choix final importe et le jeu vous préviendra d’ailleurs de sauvegarder votre partie juste avant car vous ne pourrez plus revenir en arrière une fois votre décision prise. (… mais en fait si, sauf que ça vous coûtera bonbon de jouer les girouettes. Enfin bref…) Donc si je résume, vous pouvez vous taper l’amitié avec les anges pendant toute votre partie et puis lors du choix final, décider de tous les exterminer…. Où est la logique dans cette possibilité ? La cohérence ? Le côté rôle play ? Nique tout ça, on s’en tape ! Ou pas.
Personnellement, j’ai trouvé cette option très malvenue. Encore une fois, je comprends l’idée générale, dans le sens où ce SMT se veut comme une porte d’entrée aux nouveaux venus sur la série, en allant notamment lorgner – et c’est tellement ironique… – du côté des weebos fans de Persona et plus habitués à des jeux friendly. C’est pour cela que SMT V a le cul entre deux chaises : il se veut accessible et permissif pour conquérir un nouveau public, celui-là même que sa licence secondaire a su séduire et lui a volé, mais en même temps, il se veut être un véritable challenge dans la veine de ses précédents opus pour plaire à son ancienne fanbase de vieux rabougris et aigris, qui veulent du sale et saigner des fesses.
On se retrouve donc au final avec un jeu schizophrène qui, à vouloir plaire à tout le monde, termine par ne plaire réellement à personne… Vite torché, vite oublié, ne laissant aucun impact sur le joueur. Et c’est dommage parce qu’il a d’indéniables qualités ! Mais je dirai qu’étrangement, elles ne se trouvent pas là où on s’attendrait à les trouver d’habitude…
« La sensation d’exploration et de liberté fonctionne très bien »
Je m’explique.
Ce SMT aborde une nouvelle formule et se veut novateur. Là où les anciens SMT rentraient dans la case des « donjons RPG » (pour le plus grand plaisir ou malheur de certains, c’est selon, hein, seuls ceux qui se sont bouffés du Kalpa labyrinthique à outrance dans SMT III comprendront de quoi je parle…), SMT V innove en proposant un ensemble de plusieurs zones ouvertes plus ou moins grandes à explorer, un peu à la manière d’un Xenoblade Chronicles. Ce tout nouveau et tout beau level design offre entre autre une verticalité bien pensée et une certaine diversité bienvenue dans les décors. Or pour moi, il s’agit de LA réussite incontestable de cet opus !
La sensation d’exploration et de liberté fonctionne très bien, agrémentée par des quêtes annexes optionnelles jamais envahissantes. L’exploration est d’ailleurs encouragée, en allant dénicher des petits Kurogu-like rouges disséminés (et parfois sacrément bien planqués…) sur la map, un peu à la manière d’un Breath of the Wild et la récompense est constituée de points de Gloire fort utiles en combat. Franchement, j’ai été assez épatée par cet aspect-là du jeu car je ne l’attendais pas là-dessus. Et c’est très malin de la part d’Atlus, car ça casse la monotonie habituelle des donjons.
Mais là où c’est VRAIMENT intelligent, c’est qu’en réalité, ces environnements sont eux-mêmes des donjons. Et oui ! Mais la pilule passe mieux pour les plus allergiques, parce que ce sont des donjons qui n’en sont pas réellement ou plutôt, qui n’en ont pas le nom ! Des donjons d’un nouveau genre quoi, des donjons à ciel ouvert sans le côté claustrophobique et fermé de leurs prédécesseurs à l’ancienne. On mange donc du donjon pendant 80 heures de jeu sans s’en rendre compte, avouez que c’est assez génial comme concept !
Et on en redemande même, bien que certains environnements soient clairement plus inspirés que d’autres. (Je pense notamment à la première zone et à la dernière, toute en verticalité avec de nombreux chemins bien planqués à dénicher.) En terme de direction artistique, le jeu se pose là également, mais encore une fois, il lui arrive d’être moins inspiré. (je pense surtout à la seconde et à la troisième zone qui se ressemblent énormément et paraissent n’être que des « color swap » flemmards.)
Côté musiques, le bât blesse également et je ne PEUX PAS parler d’un SMT sans aborder cet aspect. Shoji Meguro, le compositeur attitré de la série, ce génie, laisse encore une fois les rênes à ce random dont j’ai complètement oublié le nom déso pas déso et qui se trouvait déjà l’origine des musiques un peu ‘meh’ de SMT IV. Bon bah là le mec nous ressort la même tambouille clairement… On aime ou pas. Moi je n’aime pas, à part quelques rares thèmes plutôt sympa et péchus, mais qui, malheureusement, ne sont que des boucles répétitives trop courtes qui ne décollent jamais…. (à l’image du scénario, tiens, tiens…) Le mixage est aussi dans les chaussettes, les sons de guitare sont souvent trop saturés, c’est désagréable à l’oreille et ça donne un aspect de musique « trop compressée ».
Mais bon, le Maître étant très certainement occupé sur le Projet REfantasy, il faut se farder le remplaçant du coup… (pour l’anecdote, un de mes amis Kohryu grand expert en JRPG dont vous connaissez peut-être la chaîne, m’avait confié qu’il coupait carrément la musique lors de ses sessions de jeu tellement il les trouvait insupportables, ça veut tout dire…)
« Le système de combat est ultra répétitif«
Pour ce qui est de son noyau dur, les combats donc, comme je l’expliquais un peu plus haut, le jeu se montre satisfaisant en terme d’aspect stratégique. MAIS. Parce qu’il y a un MAIS, je mettrai tout de même un gros bémol !
En vérité, le système de combat est ULTRA REPETITIF (à l’image de ses musiques, tiens, tiens encore une fois, tout est lié décidément, le jeu parvient au moins à être cohérent là-dessus.) : on aura tendance à abuser de l’Omotomachintruclà… et à vrai dire, toutes les victoires reposeront intégralement sur son utilisation. Il suffira souvent de se booster/buffer niveau stats et de défendre comme un porc pour encaisser les vagues d’attaques ennemies, qui feront monter cette fameuse
barre d’Omobidule et une fois celle-ci à fond, on aura juste à balancer la sauce. 9 fois sur 10, ça suffira, le ménage sera fait et il n’y aura plus personne en face. Et si c’est encore le cas, rince and repeat, comme on dit ! En fait de stratégie, les combats seront surtout basés sur votre endurance et votre capacité à résister pour pouvoir lâcher les chevaux au bon moment.
Aucun trésor d’ingéniosité à déployer ici, ce qui avait fait le sel de la série. (je compare souvent les combats de boss des SMT à des jeux de rythme, puisqu’ils sont codifiés selon des périodes de temps… par exemple, on sait qu’au tour 1, le boss fait toujours telle attaque et au tour 10 également. Qu’on devra se soigner au tour 3 et donc, attendre le tour 4 pour attaquer… etc…) Il ne faut donc jamais perdre de vue ce comptage des tours pour parvenir à anticiper les attaques et agir au moment opportun…
Les SMT reposent donc beaucoup sur du « par cœur » et de l’apprentissage par l’erreur. Je déplore un peu l’exécution dans SMT V. D’autant que l’Otomegamechose n’a pas pour seul effet que de renverser complètement la vapeur du jeu, (Attention ! Les ennemis aussi peuvent y avoir recours d’ailleurs, seule véritable bonne idée du jeu, et croyez-moi, ils vont en abuser autant que vous ! Il sera très difficile d’espérer faire un comeback, encore plus que d’habitude, si vous vous en mangez un au passage…) obligeant à encaisser et à attendre le bon moment pour frapper, ce qui n’est pas forcément antinomique pour la licence dans son concept mais plutôt par son exécution sommaire, car d’ordinaire cela ne repose jamais que sur une seule mécanique.
Non, pour moi, le plus gros problème de cette mécanique justement, c’est qu’elle propose plusieurs attaques différentes, mais qu’on utilisera TOUJOURS la même (et les monstres face à nous aussi ahahaha, c’est dire…) : celle qui consiste à garantir un coup critique en cas d’attaque ! Pour se donner 8 tours de jeu en une seule fois, vous comprenez. Les autres pouvoirs accordés seront soit anecdotiques en terme d’utilité, soit carrément situationnels… (et donc uniquement utilisables contre certains boss bien précis…) C’est dommage.
Pourquoi s’être cassé la moule à créer et à mettre plusieurs attaques à disposition, si c’est pour qu’une seule soit réellement efficace ? Et que ce soit celle qu’on a obligatoirement, de base ??? Du coup, comme je l’expliquais, cela rend le jeu ultra répétitif. Et c’est terriblement dommageable, parce qu’en terme de possibilités et de customisation, il offrait un véritable boulevard. Malheureusement, l’équilibre est tout cassé par cette mécanique et il n’y aura donc finalement qu’une seule bonne manière de jouer… et nique ta créativité !
Conclusion
Pour conclure, SMT V n’est pas un grand jeu. Il n’est pas à la hauteur ni de son spin off à la popularité démesurée Persona, ni à la hauteur de ses prédécesseurs.
Mais est-ce un mauvais jeu pour autant ? La réponse est non, malgré ce que ces lignes pourraient vous conduire à penser. SMT V est un jeu qui prend des risques, qui tente de se renouveler et de dépoussiérer une série réputée pour son austérité aussi bien visuelle que ludique. SMT V échoue, SMT V réussit parfois aussi, souvent là où on ne l’attendait pas, mais SMT V se relève toujours. SMT V ne laisse pas un goût amer en bouche, ni un goût de trop peu. SMT V est accessible et généreux. SMT V ose et SMT V se trompe également par moment. Ce SMT aurait surtout bénéficié grandement d’une véritable vision d’auteur, mais n’est pas Hashino qui veut chez Atlus.
SMT V a compris ce qui fonctionnait dans les anciens épisodes et il a essayé de s’en démarquer juste assez sans dénaturer la licence mère. Alors pour toutes ces raisons, d’après moi, la série est sur la bonne voie et j’espère énormément un SMT V partie 2, comme SMT IV y avait eu droit en son temps…
Ce serait l’occasion parfaite de travailler sur les aspects décevants du premier opus et d’offrir une
meilleure expérience aux joueurs. Cependant, je dois souligner qu’à aucun moment je n’ai passé
un mauvais moment avec le jeu.
Il lui manque juste ce petit goût de « reviens-y » à mon sens et davantage de complexité que ce soit au niveau de son intrigue ou de celui de son système de jeu pour moi, qui suis une grosse habituée de la série (et qui ai roulé sur le jeu après des débuts un peu corsés, même en hard… donc, n’écoutez pas les débiles et autres aigris qui ne savent pas jouer et chouinent que le jeu est DUR et qu’il faut FARMER). C’est absolument faux, à aucun moment je n’en ai eu besoin et je ne répète, j’étais au plus haut niveau de difficulté. Suffit juste de bien utiliser son cerveau, mais apparemment, ce n’est pas à la portée de tout le monde… Pour l’anecdote en normal, je n’ai eu qu’un seul game over quoi…)
En bref, j’attends avec beaucoup de curiosité le prochain épisode de la série principale, pour savoir s’il saura capitaliser sur les réussites de cenSMT V ou s’il choisira de proposer encore une nouvelle formule. Mais au vu des chiffres de vente du jeu dont Atlus se dit amplement satisfait, il y a des chances pour que soit une suite directe soit annoncée, soit un SMT VI dans la même veine voit le jour. En tout cas, je tiens encore une fois à souligner le travail impeccable de game design qui a été effectué, parce que pour une première et aucune expérience dans le domaine du « monde semi- ouvert », c’est vraiment du beau travail, même si cela reste perfectible.
Et c’est uniquement cela que je voudrai qu’on retienne de cet humble avis : qu’un jeu qui est encore perfectible (et c’est le cas aussi de Zelda Breath of the Wild et ouiiiii !) offre à mon sens, la meilleure configuration qui soit : parce que sa suite ne pourra être que parfaite, si ses défauts sont corrigés ! Or, Atlus ayant déjà prouvé à maintes reprises être à l’écoute de ses fans et capable d’améliorer ses jeux dans ses suites, (DDS2, Devil Survivor 2, SMT IV Apocalypse et surtout Raidou Kuzunoha 2…) je vous l’affirme, l’avenir de la licence s’annonce sous les meilleurs augures !
Genre : J-RPG / T-RPG / Dungeon RPG Langue : Français Développé par : Atlus Edité par : Sega Taille : 13242,00 MB Sortie : 12 novembre 2021 PEGI : +16 Plateforme : Switch
Jeu testé sur Switch
[…] Avis : Shin Megami Tensei V […]