The DioField Chronicle
Jeux Vidéo Test Jeux Vidéo Test Switch

Avis : The DioField Chronicle

Au milieu de la pléiade de sorties Square Enix de cette fin d’année se trouve The DioField Chronicle, fruit de la collaboration entre l’éditeur et le studio Lancarse (Monark), qui se prête à un exercice plus ambitieux que son rôle plus courant de soutien chez d’autres confrères. Cette flopée de sorties leur permettra-elle de tirer leur épingle du jeu ?

The DioField Chronicle se présente comme une base de tactical RPG à la Fire Emblem affublée d’une petite particularité sous la forme d’un système de combat stratégique en temps réel appelé « Real Time Tactical Battle » (RTTB). Derrière ce nom barbare se cache en réalité un gameplay reprenant le principe d’un jeu de stratégie en temps réel appliqué au contexte d’un jeu où l’on incarne qu’une poignée de personnages plutôt qu’une armée entière ; ce qui forme un hybride entre déplacements de RTS et compétences de RPG ; mais cela sera évoqué en détail plus tard. 

Commençons par le commencement, l’île de DioField, berceau du royaume d’Alletain, “terre des Dieux”, auparavant paisible, est en proie au chaos et sous la menace de l’empire du continent situé à son sud. Le jeune 4e prince héritier, Levantia Shaytham, est assassiné et ne peut être sauvé par ses amis et gardes du corps, Andrias “Rias” Rhondarson et Fredret “Fred” Lester. Nous retrouvons ces derniers 8 ans plus tard, devenus guerriers aguerris et accompagnés de leur amie Izelair “Izzy” Wigan, alors qu’ils s’apprêtent à porter secours à une diligence en détresse. Une fois cette formalité accomplie (une façon classe de dire que c’est le tutoriel), la passagère du véhicule, Lorraine Luckshaw, nous propose de rejoindre l’organisation de mercenaires des Renards Bleus dont elle est l’administratrice, et qui est dirigée par un noble et liée au gouvernement. De plus, l’île regorge de gisements de cristaux de jade, source d’énergie magique alimentant l’armement des armées du continent, et qui sera source de convoitise. Ce synopsis laisse entrevoir l’extrême sérieux dont fait preuve le scénario du titre : on y retrouve des jeux de dupes politiques, de la stratégie militaire, des négociations plus ou moins musclées entre factions… bref, la guerre, sans fioritures.

C’est ainsi que l’aventure débute. Le groupe prend ses quartiers dans le manoir/QG des Renards, qui servira inévitablement de hub world où le joueur pourra préparer ses missions à l’aide des commerces et autres infrastructures de développement de compétences et d’équipement, interagir avec la panoplie de personnages qui viendront se joindre au groupe… dont Iscarion “Isca” Colchester, un archer animé par un idéal de démocratie et Waltaquin Redditch, une mage issue de la noblesse, qui rejoindront très vite le groupe et formeront avec Rias et Fred les 4 têtes pensantes des Renards.

L’élément central est la table tactique autour de laquelle les commandants viendront faire le briefing de chaque mission, et qui dépeint les tenants et aboutissants de l’histoire sous la forme d’une animation de carte qui rappelle les grands moments (ou pas) passés à jouer au Risk, et ce avant chaque mission. De plus, si tous les enjeux et le déroulement des conflits ainsi illustrés vous semblent complexes ou si vous avez raté un tournant important de l’histoire, toutes les cinématiques peuvent être revues dans la bibliothèque du manoir, qui propose également des descriptions détaillées de tous les personnages, lieux, factions… ainsi qu’un récapitulatif des rapports de force et du déroulé des opérations à chaque moment du jeu ; ce qui est une bonne idée tant au final une bonne partie des actions réellement impactantes sur le scénario ne sont pas jouées mais montrées, et parfois de façon brouillonne. Un léger bémol à la narration auquel on pourrait rajouter la presque systématique mécanique des missions. Préparation, briefing, cinématique, mission, cinématique, et on recommence. Leur enchaînement en fait de même puisque qu’une fois arrivé en vitesse de croisière, une mission principale débloque la prochaine, ainsi que des missions pour avoir des ressources, et éventuellement une mission de recrutement. Seules quelques taches d’escorte changent la perspective en jeu, mais elles se font ponctuelles.

Le recrutement, parlons-en puisque l’on vient à contrôler une bonne quinzaine de personnages différents, répartis sur 4 grandes classes : soldat, cavalier, tireur d’élite et mage ; que l’on peut également séparer selon leur équipement ; dague/hache/épée bouclier, lance à cheval/griffes à wyverne, arc/fusil, et attaquant/soigneur. Chacun présente ses caractéristiques, stats (PV, Attaque, Défense, Technique, Chance et points d’énergie), et compétences propres, qui sont visibles dans les arbres de développement respectifs, qui offrent une variété correcte mais cependant, ces skills sont liés aux armes équipées ; ainsi vous pourrez perdre une compétence développée en changeant d’équipement, ce qui est à prendre en compte si vous comptez garder votre stratégie en combat. Les rapports entre les personnages ne sont développés qu’entre les commandants du groupe étant donné leur implication dans l’histoire, les autres se contentent de quelques dialogues qui tiennent sur un post-it lorsqu’une mission secondaire les concerne, y compris Izzy qui, même malgré son lien avec les 2 personnages principaux, s’efface très rapidement une fois le casting de chefs au complet. D’un côté, on se concentre sur le jeu sans tomber dans des simili dating-sim comme ce qu’on peut voir dans les Fire Emblem récents, de l’autre on a beaucoup de mal à s’attacher au casting du jeu, d’autant plus qu’il est très hétérogène d’un point de vue moral au fur et à mesure de l’avancée dans l’histoire et aura tendance à cliver. Un parti-pris qui a ses avantages comme ses inconvénients, certains apprécieront, d’autres dont je fais partie un peu moins.

En combat, seules sont déployables 4 unités à la fois, sachant que celles-ci peuvent être couplées par un autre personnage en soutien qui gagnera de l’xp et pourra utiliser ses compétences en puisant dans les réserves du leader. Des changements en cours de mission sont également faisables jusqu’à 3 fois par mission, ce qui sera nécessaire notamment si le personnage actif est à court de mana. Le fameux système de combat mis en avant s’avère efficace et rafraîchissant, une bonne alternative aux échiquiers habituels des tactical RPG qui est finalement plus proche d’un RTS. Chaque personnage peut être commandé individuellement, ou le joueur peut avoir recours à une sélection complète de l’effectif ou une sélection par zone d’une simple pression de bouton. Les déplacements sont un point primordial de gameplay puisqu’il faudra placer chaque pion de la meilleure manière possible pour utiliser au mieux le panel de compétences (notamment les formations et attaques de zones) et limiter les offenses adverses. Cela est bien pensé pour un joueur manette même si le dispositif montre évidemment certaines limites : la mise en place est confuse, notamment lorsque l’écran est chargé, et il est parfois compliqué de sélectionner l’élément voulu. Heureusement, le temps s’arrête lorsque les ordres sont donnés, ce qui permet de vite corriger le tir.

Le temps, parlons-en puisque les missions ont un temps de jeu effectif relativement court : les temps impartis ne dépassent pas les 8 minutes, y compris pour les missions les plus ardues. Le cœur du jeu est donc d’établir les ordres, avec le bon timing et en étant réactif aux apparitions soudaines et autres surprises.

Sur le champ de bataille, on peut trouver tout le bestiaire habituel des jeux de ce registre : soldats évidemment, éventuellement équipés de tourelles, mais aussi bêtes diverses, géants, mutants infectés par exposition aux cristaux de jade, zombies et autres barricades et tonneaux explosifs… Les boss occasionnels possèdent plusieurs jauges de santé et repoussent les opposants lorsque l’une d’entre elles est vidée, ce qui nécessitera de rétablir la formation promptement. Des coffres fournissant des ressources peuvent être trouvés sur les missions principales et sont indiqués aux côtés des objectifs secondaires qui offrent des récompenses du même acabit, qui sont systématiquement un temps imparti et de ne subir aucun KO (au passage, pas de permadeath ici).

Petit aparté nécessaire sur les ressources à disposition, peuvent tomber des ennemis vaincus des recharges de PV, PE mais aussi de jauge d’invocation pour pouvoir déchaîner une puissante attaque de zone, un soin complet ou un boost temporaire pour l’équipe, ce grâce aux orbes magilumiques des puissants boss récupérés le long de la progression, et améliorables à la base. On y retrouve d’ailleurs des poncifs des productions Square Enix, par exemple le fameux Bahamut.

Cependant, le jeu n’offre pas les occasions d’exploiter pleinement cette base prometteuse, puisque les situations sont relativement similaires tout au long de l’histoire, et la même stratégie peut s’appliquer la plupart du temps sans perdre d’efficacité. J’ai plus ou moins roulé sur le jeu en utilisant un défenseur qui prend l’aggro, et 3 DPS, avec les personnages à compétences puissantes et de soin en soutien. De plus, certains personnages cassent complètement l’échelle de puissance du jeu une fois améliorés à un certain point, notamment Rias, le seul assassin du jeu, qui peut tuer à lui tout seul un groupe d’ennemis en une fraction de seconde de temps de jeu effectif et des boss en très peu de temps, puisque sa compétence principale, en plus d’effectuer des dégâts massifs, n’a pas de cooldown si elle tue un ennemi. C’est dommage qu’un jeu présentant une valeur ajoutée sur la dimension stratégique soit au final assez creux sur ce point, ce qui m’a même fait questionner la pertinence d’utiliser un tel système de combat autrement que pour démarquer visuellement des jeux du même créneau. Ce n’est pas pour autant que le système de jeu n’est pas plaisant à maîtriser, il y a certes un temps d’adaptation à avoir mais une fois tous les archétypes de situations rencontrées et les réflexes d’urgence pris, il est satisfaisant de se sortir des mauvais pas lorsque la difficulté est correctement dosée.  

Comme évoqué précédemment, si vous faites les bons choix en termes d’optimisation dans le développement des personnages (ce qui implique de laisser ceux moins performants sur le carreau, il y en a même certains que je n’ai jamais utilisé, et d’autres vite relégués car un équivalent a rejoint la troupe à un niveau bien plus élevé, dommage), le jeu devient vite une formalité. De plus, aucun objectif n’est irréalisable car, en plus de ne pas être excessivement ardus, les missions sont toutes rejouables depuis le QG. Ainsi, vous pourrez maximiser les ressources obtenues par ce moyen et encore plus déséquilibrer les affrontements. Toutefois, le jeu offre un New Game+ qui relève un peu le challenge même s’il n’offre aucun intérêt supplémentaire, mais qui rallongera la durée de vie du soft si vous en êtes tombés amoureux. 

Quant au scénario, il est comme dit précédemment résolument sérieux, et offre son lot de rebondissements et de jeux d’alliances et de trahisons. Démêler autant de variations sur le long terme est un casse-tête mental, parfois même avec l’aide des renseignements détaillés. Cette complexité ne cache cependant pas le scénario du siècle, même s’il reste bien travaillé. Certains ressorts sont assez prévisibles, et les ficelles ont tendance à se répéter (notamment l’opposition entre idéaux monarchistes et démocratiques). Les antagonistes sont vraiment clichés, et au final peu présents et mémorables, j’en veux pour preuve le bad guy visible sur la jaquette que je n’ai même pas le souvenir d’avoir aperçu quelque part. D’un point de vue occidental, le jeu a tendance à dépeindre des points de vue assez japonais, ce qui peut éventuellement rendre difficile la création d’empathie pour certains personnages, ce qui, couplé au déficit de temps d’écran évoqué plus haut, fait que je ne me suis attaché qu’à peut-être 3 d’entre eux, et encore… Cependant, leurs personnalités sont certes parfois stéréotypées mais travaillées en cohérence avec la narration, et leurs designs sont de belle facture, détaillés sans être surchargés et facilement identifiables.

Enchaînons donc sur la DA, qui se veut classique dans le genre des RPG Square, mais propre. Le jeu est dans un style qui tend presque vers le steampunk médiéval fantastique, ce qui est en soi logique vu la place primordiale des cristaux de jade et de leur apport technologique dans le lore. Les dessins sont soignés, les environnements de combat restent classiques mais un vrai travail a été fait sur le QG qui est agréable à arpenter, même si on ne l’explore que peu au final (d’autant plus qu’une option de voyage rapide entre les pièces est à disposition). La musique est correcte, dans le ton, sans être mémorable. Les dialogues sont presque intégralement doublés en anglais et en japonais, seuls les interactions “simples” au QG y échappent. Ayant fait le jeu avec les voix en langue de Shakespeare, je ne pourrais pas apporter de jugement sur leur contrepartie asiatique, mais je peux affirmer que les doublages anglophones sont qualitatifs, avec un accent british assez charmant. Les niveaux sont présentés sous forme de dioramas tels ceux des T-RPG en 2d, ce qui témoigne des inspirations sources mais qui n’est au final qu’une vue anecdotique puisqu’évidemment le gameplay impose une vue du dessus. La patte graphique est propre et cohérente, les effets visuels sont éclatants sans nuire à la lisibilité globale, les cinématiques ont un certain charme et les menus sont bien organisés et légendés, ce qui est un point à soulever tant ce n’est pas nécessairement la coutume dans les jeux de rôle japonais. Des vidéos accompagnent même les divers arbres d’améliorations afin d’illustrer l’élément concerné, et des cinématiques accompagnent les invocations et compétences puissantes, ce qui marque le coup tout en restant dynamique et ne cassant pas le rythme de jeu. De plus, ces dernières permettent d’observer les modèles de personnages en combat.

D’un point de vue technique, le jeu sur Xbox/PS/PC ne semble pas avoir de problème particulier. Cependant, j’ai expérimenté celui-ci sur la Switch, et forcé de constater que la petite console de Nintendo est en souffrance sur ce genre de soft multiplateforme en 2022 si l’optimisation n’est pas minutieuse. Outre la qualité graphique logiquement en deçà de ses équivalents, j’ai régulièrement souffert de chutes de framerate, d’un peu de clipping dans les vues cinématiques, voire même à un moment donné de clignotements qui m’ont forcé à redémarrer la console. Je n’ai également pas pu prendre de captures d’écran au QG une fois ma progression bien avancée, j’ignore si cela est dû aux politiques anti-spoil appliquée à certains jeux Switch ou une réelle limitation technique due à la base qui s’est garnie au fur et à mesure du temps. Dommage, d’autant plus que je ne pourrais pas montrer des choses l’étage s’ouvre plus tard en jeu et offre une assez belle vue. Le jeu n’en est pas néanmoins injouable, et l’expérience portable couplée au gameplay proposé n’est pas un mauvais mariage. A vous de juger quelles conditions vous conviennent le mieux si vous avez le choix du support, mais j’aurais tendance à favoriser les plateformes mieux pourvues en puissance dans ce cas. 

Bref, tous ces petits pépins ne ternissent pas non plus l’expérience de jeu globale qui s’avère des plus agréables, et c’est avec plaisir que l’on enchaîne les missions et l’appréhension de ce gameplay peu conventionnel mais au combien original. The DioField Chronicle ne signe pas de scénario ou de DA révolutionnaire, mais se démarque par cette approche particulière du T-RPG et il mérite pour cela une certaine attention et une place dans les mémoires. Il est quelque peu regrettable qu’il ne pousse pas ces valeurs un peu plus loin et avec plus de conviction, mais j’ose espérer que cette expérience acquise servira judicieusement dans le futur. Il est clair qu’avec cette batterie de sorties, Square Enix est en pleine phase d’expérimentation, à la fois avec ses studios collaborateurs et ses concepts de jeux, comme pouvait l’être le Square d’alors au tournant des années 2000. Et même si dans le tas on pouvait trouver des ratés comme The Bouncer, ce sont des périodes intéressantes pour toutes les parties impliquées, y compris les joueurs, et qui montrent une volonté d’aller vers l’avant et de parier sur l’avenir. Nous faisons donc face à une originalité sympathique et captivante, qui manque peut-être d’un petit quelque chose pour la sublimer mais qui reste à essayer si l’occasion s’en présente. Un bon jeu qui vous occupera une grosse vingtaine d’heures sans accrocs, à garder dans un coin de la tête lorsque viendront le temps des réductions et autres entrées dans des catalogues par abonnement si le concept vous parle, d’autant plus qu’une démo assez conséquente est disponible pour vous faire un avis.


Développé par : Square Enix
Edité par : Square Enix
Taille : 9563,00 MB (version Switch)
Sortie : 22 Septembre 2022
PEGI : +16
Plateformes : Steam, PS4/5, Xbox One/Series, Switch 

Jeu testé sur Switch
Jeu offert par l’éditeur

Vous pourriez également aimer...

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.